Tshopo: L’Observatoire Congolais pour la Gouvernance Locale exige l’annulation des 20 contrats d’occupation provisoire objet des conflits entre communautés locales
Les conflits fonciers sont devenus monnaie courante dans la Ville de Kisangani. Très récemment l’Observatoire Congolais pour la Gouvernance Locale et la Synergie des Avocats pour le Développement Durable avaient dénoncé, auprès des autorités provinciales et nationales, l’émergence de la milice de l’ethnie KUMU agissant sous la protection des responsables de l’administration des affaires foncières provinciales, des magistrats et des autorités politico-administratives, qui s’adonnaient à la spoliation des parcelles concédées par l’Etat en faisant usage des armes blanches et à feu pour terroriser les paisibles citoyens dans le Bloc BATIAMBALE situé la concession de Scolasticat. C’est dans la même période qu’un autre conflit foncier d’ampleur communautaire est née opposant l’ethnie Lengola et Mbole.
C’est dans une lettre signée signée par le Collectif des ONGs et OSCs de défense des droits de Communautés Locales, victimes de l’expropriation de leurs terres et forêts dans la Commune de Lubunga et le Secteur de LUBUYA-BERA en faveur de la société COMPANY AGRO PASTORAL DU CONGO, CAP CONGO SARL, que la Gouverneure de la Province de la Tshopo a été saisie pour l’annulation des 20 contrats d’occupation provisoire signés par elle.
Voici les raisons qui plaident en faveur de l’annulation des ces contrats jugés illégaux par ces organisations :
Objet de la lettre : Demande d’annulation de 20 contrats d’occupation provisoire du 24 février 2023 conclus entre la RD Congo et la société Company Agro-pstoral du Congo, CAP CONGO SARL immatriculée au Registre de Commerce et de Crédit Immobilier sous le numéro KNM/RCCM/19-B-00108, préalables aux concessions ordinaires (emphytéoses)
Excellence Madame la Gouverneure;
Nous, ONGs et des OSCs de défense des droits de communautés locales, animées par le souci de faire revivre l’harmonie entre les communautés mbole, lengole, arabisés et kumu, venons, par la présente, auprès de votre autorité politico administrative et foncière solliciter ce dont l’objet est repris en marge.
En effet, la situation qui a prévalu dans la Commune Lubunga nous a sérieusement préoccupés au point de ne plus nous retenir. En tant que défenseures des droits des communautés locales, nous avons suivi et documenté ce dossier au nom de l’intérêt général de la Tshopo que vous avez la lourde responsabilité de gouverner et de protéger.
Il ressort des éléments du dossier en notre possession que l’annulation de tous les 20 contrats d’occupation provisoire du 24 février 2023 ne fait l’objet d’aucun doute, elle s’impose pour plusieurs raisons tant sur les plans juridique, politique, social, sécuritaire, économique qu’humanitaire.
Sur le plan juridique: il y a violation de la loi loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée et complétée par la loi n° 80-008 du 18 juillet 1980 et la loi n° 11/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture.
– A propos de la violation de la loi foncière, il y a lieu de constater que l’enquête préalable, une des étapes { suivre pour obtenir une concession foncière, la plus importante pour éviter des conflits dans l’avenir, n’a pas
été observée dans les processus ayant conduit à la signature de ces contrats. Il y a donc violation des articles 193 à 203 de la loi foncière. Il n’y a pas eu affichage, il n’y a pas eu non plus avis du Procureur de la République par exemple. S’il y avait réellement eu l’enquête préalable selon l’esprit et la loi foncière, il y aurait eu nécessairement opposition non seulement des véritables ayants droits mais aussi d’autres concessionnaires dont les espaces ont été engloutis dans les terres couvertes par ces contrats. Nous notons aussi le non-respect des règles de compétence dans la signature de ces contrats car la superficie globale concernée est évaluée à près 4.000 hectares sectionnés dans 20 contrats différents de presque 200 hectares chacun. Cette façon de procéder s’apparente { une expropriation des terres communautaires pour cause d’utilité privée.
– Quant à la violation de la loi agricole, vous constaterez sans peine qu’aux termes de l’article 16, les terres agricoles sont concédées aux exploitants et mises en valeur dans les conditions définies par la loi. Ce même article
prescrit parmi les conditions pour obtenir une concession agricole entre autres le fait d’être une personne physique de nationalité congolaise ou une personne morale de droit congolais dont les parts sociales ou les actions, selon le cas, sont majoritairement détenues par l’Etat congolais et/ou par les nationaux. Ainsi, les Statuts de la société Company Agro pastoral du Congo, CAP Congo SARL, renseignent que cette dernière est une société de droit congolais dont les parts sociales sont étrangères à 100%. Les deux associés, tous de nationalité libanaise, à savoir Madame ATWI SOUMAYA (née à Ayitit le 11 septembre 1996) et Monsieur ROUMIE ZOLKIFAR (né à Al Remadie le 30 août 1983) qui en est le Gérant statutaire détiennent respectivement 80% et 20% des parts sociales constituant un
capital social de 330.000.000 FC. Ce qui revient à dire la société Company Agro pastorale du Congo, CAP Congo SARL, n’est pas éligible aux terres agricoles en RD Congo. Partant de ce fait, cette société ne méritait pas obtenir son inscription au Registre de Commerce et de Crédit Mobilier (RCCM) tant que les activités en lien avec les activités agro pastorales feraient partie de son objet social. C’est ici l’occasion pour nous de saluer le travail bien fait et la vision du législateur qui a su prévenir la survenue des cas pareils. Cet article protège et sécurise les terres communautaires.
Sur le plan politique : seul l’intérêt général devrait guider les actions d’un homme ou d’une femme politique. Les électeurs entendent trouver leur compte dans les actions de l’homme ou de la femme politique. Les mbole et les lengola, futurs électeurs aux élections du 23 décembre 2023 qui profilent { l’horizon, ne retrouvent leur compte dans les 20 contrats d’occupation provisoire du 24 février 2023 qui ne manqueront pas certainement de leur priver de la jouissance de leurs terres et forêts ‘où ils tirent leurs moyens de subsistance. Pour preuve, ils se sont livrés { des combats sans merci ayant entrainé des morts d’hommes, des déplacements massifs des populations abandonnées à leur triste sort et d’autres dégâts matériels. Quand une action politique n’enchante pas la population, par élégance, l’autorité doit s’arrêter pour réfléchir avant de faire marche en arrière. C’est ce qui fait la grandeur de l’homme ou de la femme politique.
Sur le plan social : ces contrats n’ont pas favorisé la coexistence pacifique et harmonieuse entre les mbole et les lengola comme le veut si bien l’article 51 alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi
n°11/002 du 20 janvier 2011. Ces deux communautés sont habituées à rester ensemble depuis des années, elles ne se sont jamais livrées à une bataille. Il a fallu que leurs terres coutumières soient vendues pour en arriver là.
Sur le plan sécuritaire : ces contrats ont généré l’insécurité dans la Commune Lubunga. Ainsi, les conflits pareils méritent d’être évités dans l’avenir en cette année électorale de tous les dangers et de tous les enjeux.
Sur le pan économique : les femmes qui exercent les activités économiques des marchandises qui proviennent des axes Ubundu et Opala ne savent plus se ravitailler. Dès lors, il s’observe { Kisangani une carence prononcée des produits de première nécessité. Même le train de la SNCC a été immobilisé. Les commerçants qui fréquentent les axes Ubundu et Opala ne savent plus fonctionner normalement.
Sur le plan humanitaire : les conflits entre les mbole et lengola dans la Commune Lubunga à Kisangani ont causé des pertes en vies humaines et des déplacements massifs de populations de la Commune Lubunga située à la rive gauche du majestueux Fleuve Congo vers la rive droite avec tous les risques possibles de traversée en cette période de montée spectaculaire des eaux du Fleuve Congo.
Au regard de ce qui précède et au nom de la légalité, de la coexistence pacifique et harmonieuse entre les mbole et les lengola ainsi que de la paix et de la sécurité sociale dans la commun Lubunga, il vous plaira Excellence Madame la Gouverneure d’annuler ces 20 contrats d’occupation provisoire. Ce dont nous vous prions de faire pour éviter
que ceux-ci soient annulés par voie judiciaire car les véritables ayants droits de terres expropriées couvertes par ces contrats qui n’ont jamais été consultés ni de près ni de loin sont déj{ mobilisés. Il n’est jamais trop tard pour mieux faire, dit-on !
Il nous revient par ailleurs de constater que la prise en compte de la présente vous offre la possibilité d’ordonner l’ouverture des enquêtes sérieuses au sein de votre Cabinet et à la Division des Titres Immobiliers de Kisangani Sud pour identifier les collaborateurs qui ont traité ces dossiers et établir des responsabilités. Ceux de vos collaborateurs qui se seraient méconduits méritent de subir la rigueur de votre autorité. Ceci vous permettra de vous tirer proprement de cette affaire qui ne sent pas bon du tout.